Forcés par l’expiration de notre visa vietnamien, nous entamons notre route vers le Cambodge. Objectif de sortie du territoire : le 17 février ! Nous descendons donc de Dalat, au centre du pays, pour rejoindre le sud du Vietnam. L’occasion de prendre quelques jours de vacances pour découvrir le delta du Mékong tout en se rapprochant de la frontière. Première étape : la ville de Can Tho connue pour ses marchés flottants.
Mekong, kézako ?
Le Mékong, c’est cet immense fleuve qui traverse un grand nombre des pays d’Asie du Sud-Est : partant des montagnes himalayennes du Tibet, il traverse la Chine, le Laos, la Birmanie, la Thaïlande, le Cambodge et le Vietnam où il finit par se jeter dans la Mer de Chine après avoir parcouru plus de 4 500 kilomètres.
Le Mékong permet à des millions de personnes de cultiver le riz et de se nourrir de poissons : c’est en effet le 2ème fleuve du monde le plus riche en poisson après l’Amazone !
Ici une vidéo intéressante d’Arte sur les enjeux politiques autour du Mékong. Spoiler : il ne fait pas bon être un voisin de la Chine…
Dans le silence de la nuit
Can Tho, 4h du matin. Le réveil sonne (ça pique). On embarque à bord d’un petit bateau à moteur rien que tous les deux, ça tombe bien car nous sommes le 14 février. Une balade sur le Mékong à l’aube, encore mieux qu’une croisière en gondole à Venise ! Nous sommes accompagnés d’une guide et du capitaine du bateau. Il fait nuit. Il fait frais. Malgré l’heure très matinale, nous ne sommes pas tout à fait seuls à naviguer sur ce bras du Mékong et croisons quelques pêcheurs de la nuit dont les faisceaux lumineux rayonnent dans le brouillard.
Le paysage est brumeux, mystique, magique. On admire le ciel nous dévoiler sa palette de couleurs, et les décors se profiler dans la lueur du petit matin.
Après une heure de navigation, on arrive au tout petit marché flottant, l’attraction touristique de Can Tho, alors que le soleil se lève à peine. Il n’y a pas plus de 8 bateaux : certains vendent des fruits, d’autres le petit-déjeuner.
Ce mode de vie traditionnel est en disparition car désormais, le trafic sur les routes est plus pratique et plus rapide que l’antique trafic fluvial. Autrefois, tous les échanges commerciaux se faisaient uniquement sur l’eau. Aujourd’hui, les quelques bateaux qui restent survivent grâce au tourisme.
On commande un petit-déjeuner local « le meilleur de Can Tho ! » selon notre guide : un pho qui s’avèrera effectivement délicieux, servi par la petite dame enfumée ci-dessus, de barque à barque.
A côté, dans un marché plus imposant, les bateaux indiquent ce qu’ils vendent grâce à la grande perche sur laquelle ils empalent les fruits ou légumes qu’ils proposent. Ce sont des revendeurs qui viennent ici s’approvisionner en grande quantité uniquement car tout se vend par dizaine de kilos.
Salade de fruits, jolie, jolie, jolie
Notre guide nous fait ensuite découvrir les fruits locaux que l’on pensait pourtant bien connaitre. Nous goûtons à la pomme étoilée ou caïmite, ainsi qu’à la goyave fraiche. Nous visitons un jardin fruitier producteur de fruits du dragon que Tristan adore, ainsi qu’un atelier de confection d’un ingrédient très fameux : je vous laisse deviner !
Vous avez trouvé ? Sinon regardez la vidéo pour en savoir plus !
Le dernier village vietnamien
Après Can Tho, nous prenons un bus pour remonter jusqu’à Chau Doc, le dernier village avant la frontière cambodgienne. C’est d’ici que nous prendrons le bateau pour remonter à Phnom Penh, mais avant, nous réservons (encore !) une excursion en bateau sur le Mekong pour visiter les villages flottants au coucher du soleil.
Je suis enchantée des petites têtes curieuses qui nous regardent depuis le pont de leur bateau-maison.
Chiens, chats, poissons et humains cohabitent dans les maisons flottantes. Sous une grande majorité d’entre elles, les habitants font de la pisciculture dans des cages sous-marines.
Les maisons sont reliées par de simples planches et sont construites de bois et de tôle. La vie y semble douce, ça donne envie d’y rester plus longtemps…
Il n'y a pas que de l'eau !
A Chau Doc, comme nous sommes en vacances, nous en profitons pour prendre le temps de ne rien faire. C’est si plaisant d’errer dans un village paisible !
Nous pédalons doucement sur nos vélos d’un certain âge. Les vietnamiens vivant tous dehors, ils nous saluent tout en passant. Nos « Hellooooo » se répètent à chaque habitant curieux de voir deux blancs dans son village. Et pas que les habitants d’ailleurs !
Comme (très) souvent, des hommes assis en face de la rivière nous offrent des bières, comme ça, pour le plaisir. On se retrouve donc à boire notre Bia Saigon chaude tout en faisant de grands sourires à tous ceux qui nous regardent avec curiosité.
Nous traversons les maisons des gens, plutôt très pauvres et faites de bric et de broc. Leurs maisons sont toujours construites sur pilotis aux abords du Mékong car lors de la saison des pluies, l’eau monte haut !
Notre logement à Chau Doc est rustique car nous dormons chez l’habitant dans une cabane en bois, où les moustiquaires sont fort utiles.
Notre hôte vietnamienne nous enseigne la recette des nems et je dois dire que je me débrouille plutôt pas trop mal pour les rouler à la bonne taille ! Mon rôle : surveiller la cuisson en retournant les nems dans la friture avec les baguettes pour qu’ils soient parfaitement cuits.
Ici, pas de problème d’odeur : tout est cuisiné en extérieur au-dessus du feu de bois. La famille vit dehors : ils ont une grande maison en brique, immense, qu’ils n’occupent presque pas car nous voyons leurs hamacs et matelas entassés dans la pièce principale.
Le Mékong, j’aime beaucoup : les gens sont adorables et généreux alors qu’ils ne vivent de rien, la vie y est douce et rythmée par le soleil. Les débuts d’après-midi dans les villages du Mékong ont la même dynamique que les villages occitans à 14h en plein mois d’août : ici, la sieste de début d’après-midi ici est OBLIGATOIRE pour échapper à la chaleur. Cela fait du bien de sortir un peu des villes vietnamiennes pour se perdre dans les allées des villages où les habitants passent leurs journées allongés dans leur hamac. C’est un peu mon rêve de vie ça !
Passage de la frontière
Après deux journées bien reposantes, nous montons à bord d’un petit ferry pour traverser la frontière cambodgienne par le Mékong. Nous nous délestons de 35$ de visa et de 32$ de bateau (outch) afin de remonter jusqu’à Phnom Penh, capitale du Cambodge. Après y avoir passé un weekend nous reprenons le bus pendant 6h pour nous rendre à Siem Reap, ville aux abords des temples d’Angkor, étape incontournable du Cambodge.
A Siem Reap, nous logeons chez l’extraordinaire Amaury, un hôte belge d’une sympathie inouïe. Installé depuis 12 ans au Cambodge, il a été guide sur le lac de Tonlé Sap pendant un an lorsqu’il est arrivé (= ça date un peu !), et nous propose gentiment de nous y emmener. Il est aujourd’hui prof de math à l’école française et en ce moment, ce sont les vacances comme si c’était pas tout le temps les vacances pour les profs alors il est disponible pour nous guider !
Le Lac Tonlé Sap
Qu’est-ce que le lac Tonlé Sap ?
- C’est le plus grand lac d’eau douce d’Asie du Sud Est
- Il a une particularité presque unique au monde
En fait, le Tonlé Sap est un lac qui n’a que le fleuve du Mékong comme source d’eau. A la saison des pluies, le Tonlé Sap joue un rôle de « réservoir » et voit sa surface multiplier par 5 avec l’eau qui abonde du Mékong. A la saison sèche, l’eau repart vers la mer de Chine, le lac se vide presque pour n’avoir plus qu’1 mètre de profondeur par endroit.
Cette particularité physique du Tonlé Sap explique la présence de nombreux villages flottants qui s’adaptent ainsi au niveau de l’eau, quelque soit le moment de l’année. Nous sommes à la saison sèche alors le lac est « petit » et les canaux étroits, mais Amaury nous indique les kilomètres de terre qui sont habituellement recouverts d’eau à la saison des pluies et c’est franchement impressionnant.
Sur la carte Google Maps, le bleu correspond au « petit » lac de la saison sèche, quoique je peux vous dire que quand on navigue dessus, on se croirait plutôt sur une mer très calme car nous n’apercevons rien d’autre à l’horizon que le marron de l’eau. Le vert foncé sur Google Maps correspond aux zones recouvertes par le lac à la saison des pluies. Cinq fois plus grand, c’est inimaginable.
Le village flottant de mechrey
Traditionnellement, les maisons flottent sur de grands bambous mais les bambous coûtent chers : environ 3$ la tige, et il faut les changer tous les 3-4 ans car ils s’abîment dans l’eau. Cela fait un sacré budget pour les familles ! Alors de nos jours, de nombreuses maisons flottent sur des barils de métal, plus économiques et plus « durables ».
Nous croisons beaucoup d’enfants qui nous saluent avec joie depuis leurs maisons, ou sur les barques qu’ils dirigent seuls pour s’emmener à l’école. En fait, les enfants ne peuvent aller à l’école que s’ils savent nager, vers leurs 3 ans. Et lorsqu’on voit une maison fermée d’une demi-porte, c’est qu’un enfant en bas âge y habite ! C’est l’unique solution des parents pour éviter que l’enfant ne s’évade et tombe à l’eau.
Amaury nous disait « Prenez des bouchons d’oreille car les moteurs des bateaux sont bruyants. » Franchement j’ai cru qu’il faisait de l’excès de zèle mais en réalité, nous aurions du mieux écouter ses recommandations !
En fait, tout le monde a des bateaux dont le moteur est fait maison à partir du moteur d’une tondeuse à gazon : ça fait un boucan terrible ! Alors la vie peut sembler paisible et douce sur l’eau, mais avec le passage incessant des bateaux, on ne s’entend pas parler et ça brise les tympans ! On n’arrive pas à imaginer comment les instituteurs peuvent faire classe dans les écoles flottantes… Ils doivent être obligés de s’interrompre toutes les minutes lorsque le bateau passe, c’est insupportable. D’autant plus que la ville grossit : Amaury est surpris d’apprendre que la population a triplé en dix ans, passant de 5 000 âmes à 13 000 habitants en 2023, principalement par croissance démographique. C’est vrai que l’on croise énormément d’enfants… La vie sur l’eau a de beaux jours devant elle !
Bateau Croco Dodo
Les habitants des villages flottants vivent principalement de la pêche et de la pisciculture, mais ils pratiquent aussi une autre activité quelque peu surprenante… L’élevage de crocodiles !
En effet, les chinois et les vietnamiens sont des consommateurs de peau de crocodile. Un bébé croco se vend aujourd’hui 1$ seulement (Tristan, on en adopte un ?). Les prix ont fortement chuté ces dernières années et les éleveurs ont de plus en plus de mal à subvenir aux besoins de leurs reptiles. Autrefois, ils étaient nourris toutes les 2 semaines de poisson frais, et désormais ils sont nourris 1 fois par mois de têtes de poissons… Autant vous dire qu’ils doivent avoir un peu faim !
Dans la ferme à crocodiles que nous visitons, comme vous pouvez le voir selon l’angle de la prise de vue de la photo ci-dessous, nous leur marchons dessus sur une simple grille de fer… Et c’est là qu’on prie très fort que la grille soit solide et supporte le poids de cinq touristes occidentaux pas très rassurés 😨
D’ailleurs, petite anecdote horrible mais on nous l’a racontée alors je transmets : il y a quelques mois, un bébé est tombé dans la fosse aux crocodiles et ça ne s’est pas bien passé…
La réserve de Prek Toal
Nous poursuivons notre balade en bateau dans le sanctuaire d’oiseaux de Prek Toal, où vit la plus grande colonie d’oiseaux d’eau d’Asie du Sud Est, avec près de 150 espèces d’oiseaux qui cohabitent : pélicans, cormorans, grands marabouts, aigles, ibis… Il y en a PARTOUT !
La balade en bateau dans la réserve avait une saveur particulièrement agréable car nous étions accompagnés d’Amaury qui nous partageait volontairement son savoir, sans que nous ayons l’impression d’être dans un tour guidé pour touristes. On pouvait faire des blagues, poser des questions débiles et parler de tout et de rien, de sa vie d’expatrié et des défis que doit relever le Cambodge, en étant complètement seuls à naviguer sur les canaux de la réserve.
On a payé 38$ par personne pour faire une journée d’excursion de 9h à 17h en bateau, et ça en valait le coup ! Cela permet de financer la préservation de la réserve et de payer les rangers qui veillent à ce que des braconniers ne tuent pas les oiseaux.
Le Mékong, de Chau Doc à Tonlé Sap
Embarquez avec nous sur la remontée du Mékong : naviguons à travers les marchés et villages flottants du Vietnam et du Cambodge, où la barque est plus utile que le vélo et où le bruit des scooters est remplacé par celui des moteurs de bateau.